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« Les Foudres de Nietzsche et l’aveuglement des disciples », de Jacques Bouveresse : pour et contre Nietzsche

Dans un bel essai polémique, le philosophe français, mort récemment, dissipe d’importants malentendus touchant la pensée du philosophe allemand, et s’interroge sur ce qui les a suscités.

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Publié le 17 octobre 2021 à 11h00, modifié le 16 mai 2022 à 08h32

Temps de Lecture 4 min.

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« Les Foudres de Nietzsche et l’aveuglement des disciples », de Jacques Bouveresse, postface de Jean-Jacques Rosat, Hors d’atteinte, « Faits et idées », 376 p., 20 €.

Nietzsche (1844-1900) a-t-il vraiment dit tout et son contraire ? Est-il exact qu’il ait multiplié perspectives, changements de points de vue et volte-face au point de rendre impossible de discerner ses convictions ? Sa postérité aux mille visages dissemblables peut le faire croire. Chacun forgerait un Nietzsche à sa convenance, conforme à ses prédilections intimes, d’autant plus aisément que le gigantesque puzzle de l’œuvre ne dessinerait aucun paysage constant.

Ce n’est pas ce que pensait Jacques Bouveresse (1940-2021). Car le philosophe n’était pas seulement celui qui fit découvrir Ludwig Wittgenstein (1889-1951) en France, qui défendit la rationalité en général, et en particulier la rigueur démonstrative en philosophie. Fin germaniste, grand connaisseur de la culture allemande, il avait consacré, depuis 2014, plusieurs travaux à Nietzsche, dont il avait fréquenté les textes toute sa vie.

Explication méthodique

Les Foudres de Nietzsche et l’aveuglement des disciples montre sa familiarité profonde avec la montagne de fragments rédigés par l’auteur d’Ainsi parlait Zarathoustra. Tous les passages cités, qui sont abondants, ont été retraduits par lui. Son objectif n’est pas de « tout dire » sur Nietzsche (qui le pourrait ?), mais de remettre nettement en lumière certains traits majeurs de sa pensée, afin de dissiper des malentendus aujourd’hui largement répandus. Une visée polémique anime cette explication méthodique, qui s’organise autour de deux grands fils directeurs, qu’on peut globalement étiqueter « vérité » et « politique ».

Gilles Deleuze (1925-1995), plus encore Michel Foucault (1926-1984) et bon nombre de leurs commentateurs actuels ont diversement présenté Nietzsche comme le grand fossoyeur de l’idée de vérité. Parce qu’il dénonce effectivement de profondes illusions dans les démarches qui se proclament objectives – science, logique et même philosophie –, beaucoup ont conclu de cette critique radicale que l’abandon de toute exigence de vérité était désormais acquis. Grâce à Nietzsche, la vérité aurait enfin cessé d’être un but suprême à atteindre et même une simple réalité. Elle se serait révélée effet de langage, et surtout pur rapport de pouvoir. Les philosophes pourraient et devraient donc s’en passer… et célébrer cette libération !

La vérité, « effrayante et laide »

Jacques Bouveresse rappelle combien rien n’est si simple. Car Nietzsche, d’un bout à l’autre de son existence, persiste à faire du devoir de chercher la vérité sa tâche unique, et la seule justification de tout périple philosophique. Mais sa vérité ne répond pas aux définitions habituelles. Elle se mesure avant tout au courage nécessaire pour se défaire radicalement de toutes les illusions qui réconfortent. Pour l’entrevoir, souffrir est inévitable, car la vérité peut être « effrayante et laide ». On ne saurait donc confondre la critique des conceptions habituelles de la vérité, que Nietzsche mène impitoyablement, avec l’affirmation de son inexistence ou le renoncement à sa recherche.

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