Escarpins de cour adaptés à la vie au grand air, les mocassins ont accompagné l’avènement du sport et des loisirs sous nos latitudes tempérées. Dès la fin du XIXe siècle, un modèle fin et élancé fait son apparition dans les placards des maisons de vacances du roi George V. Le terme « mocassin » renvoie alors à une chaussure souple, un chausson en peau retournée porté par certains Amérindiens d’Amérique du Nord, et aujourd’hui par les travailleurs confinés.
Dans un premier temps, le port du mocassin naît donc du goût de l’aristocratie pour les chaussures assorties à un mode de vie oisif et paresseux. La popularité du mocassin s’envole à mesure que le temps libre pour le reste de la population croît, se fractionnant en autant de loisirs et pratiques sociales codifiés.
Inspiré par les chaussures de repos que portent les marins-pêcheurs et paysans norvégiens, un nouveau modèle à bourrelet apparaît dans les années 1930. Plus massif et résistant que les mocassins en circulation (restreinte), il a un écho tout particulier dans la bonne société anglo-saxonne. Pour nos voisins anglophones, le mocassin devient loafer, terme qui désigne d’ordinaire les flâneurs.
Entre élégance et je-m’en-foutisme
Avec la paix, en 1945, les codes vestimentaires de la classe dominante dans ses moments de détente s’imposent à la ville et se diffusent dans toute la société. Un style étudiant informel baptisé ivy league ou preppy, qu’on traduit généralement par « minet » ou « BCBG », se répand dans toute la jeunesse comme un modèle d’équilibre, entre élégance et je-m’en-foutisme.
JFK, Alain Delon ou Miles Davis contribuent à promouvoir au-delà de ses frontières naturelles cette chaussure propice à un art de vivre libre et épanoui. C’est dans les années 1960 qu’arrive sur le marché une luxueuse variation italienne à mors, signée Gucci. Son succès, comme celui des autres mocassins, sera remis en question par les modes qui se succèdent et tantôt le placardisent, tantôt le célèbrent.
Soixante-dix ans après son explosion, ni les déhanchés d’Elvis, ni le moonwalk de Michael Jackson n’auront réussi à modifier son image de bon élève ni à effacer son air satisfait. C’est sa force (et son flegme). Résolument rétif aux modes, et à leurs révolutions éphémères, à la fois hédoniste et conservateur, le mocassin préfère l’heure de la sieste à celle des visiteurs.
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