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Au carmel de la Paix, Dieu, le béton et les sœurs

Ce édifice religieux construit dans les années 1970 en Bourgogne par Josep Lluis Sert, architecte moderniste espagnol, disciple de Le Corbusier, est un chef-d’œuvre encore méconnu.

Par  (Mazille, Saône-et-Loire, envoyée spéciale)

Publié le 23 avril 2021 à 18h00, modifié le 05 avril 2022 à 12h39

Temps de Lecture 5 min.

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Une communauté de 24 carmélites qui ont fait le vœu d’une vie claustrale vit au carmel de la Paix depuis 1971.

En approchant de la petite église romane du village de Mazille, en Saône-et-Loire, notre regard est aimanté par l’arrière-plan, détonnant : un bâtiment brutaliste, perché sur la colline, baignant dans un gris béton. Qui pourrait croire que cette architecture rappelant les lignes du Barbican Estate de Londres abrite en fait… un couvent catholique, le carmel de La Paix ? Vus de loin, les blocs de béton armé qui composent la structure paraissent immenses, si imposants que l’on se demande comment une telle construction a pu éclore sur ces terres bourguignonnes riches en patrimoine historique, de Beaune à Cluny.

Mais la perspective agit en trompe-l’œil. Une fois monté sur la butte Chaumont où est implanté le carmel, de cette lourdeur architecturale supposée il ne paraît plus rien. On cherche même de l’œil le béton tant la végétation environnante le cache, l’enrobe. « C’est un lieu forcément intimidant. Il faut y avancer doucement, y marcher délicatement », prévient d’emblée le maître de conférences en architecture anglais Jan Kenneth Birksted, qui a beaucoup étudié l’endroit. Très découpées, entremêlées, les lignes du carmel rendent volontairement parcellaire la perception de ce lieu religieux à l’écart du monde, labellisé Patrimoine du XXe siècle et inscrit aux Monuments historiques depuis 2013. Malgré ce début de reconnaissance officielle, le carmel reste encore méconnu, tel un secret jalousement caché par ceux qui y sont passés le temps d’une retraite.

« Ce lieu, c’est comme une seconde peau »

Si paysage et architecture font corps, c’est pour protéger celles qui y vivent depuis 1971 : une communauté de 24 carmélites qui ont fait le vœu d’une vie claustrale. A peine descendus de voiture, les visiteurs venus pour une retraite, un office ou une simple visite sont accueillis par sœur Juliana. Dans un sourire lumineux, cette sœur d’origine allemande s’amuse que l’on s’intéresse autant à l’architecture singulière du carmel. « Ce lieu, c’est comme une seconde peau. Où que l’on se trouve, tout est très harmonieux, l’œil se repose toujours. C’est une architecture qui, avec sa grande sobriété, ne nous entrave pas », confie une autre moniale, sœur Marie-Christine, arrivée au carmel en 1972. « Les carcasses des bâtiments étaient là mais il fallait vite planter peupliers, arbres fruitiers, et végétation pour donner vie à l’ensemble », ajoute-t-elle en couvant du regard le beau potager de la communauté, en contrebas, où s’affairent ce jour-là deux jeunes novices.

C’est grâce à Marie-Thérèse d’Aragon, moniale d’origine espagnole, que le carmel de la Paix voit le jour. Elle voulait, pour sa communauté, un lieu hors de la ville pour travailler la terre, avoir une ferme et accueillir des hôtes. Ici, vue sur le potager faisant office de cloître et le « quartier général ».

Une architecture en symbiose avec la vie spirituelle de cet ordre contemplatif, voilà ce qu’a réussi à composer l’architecte moderniste espagnol, Josep Lluis Sert, auteur de cette déroutante construction. Disciple de Le Corbusier, ce Catalan réputé est par ailleurs le concepteur de deux autres bâtiments remarquables que sont la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence (1964) et la Fondation Miro à Barcelone (1975). Mais comment s’est-il retrouvé à construire un carmel en pleine Bourgogne ? « C’est une épopée architecturale qui se joue ici, née d’une commande exceptionnelle, du fait de ses commanditaires et de ses exécutants », résume l’architecte Cyril Brulé, coauteur de l’ouvrage Le Carmel de la Paix (éditions Bernard Chauveau, 2020).

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