Se dirige-t-on vers une nouvelle séquence de débat autour des très sensibles « boîtes noires » – le gouvernement parle, lui, d’algorithme – des services de renseignement ? L’une des mesures les plus polémiques de la loi relative au renseignement de 2015 pourrait élargir son champ d’action, selon un nouveau texte soumis au conseil des ministres mercredi 12 mai, dont une première version avait été révélée par le site Next INpact, et que le Monde a pu consulter.
Dans une lettre rectificative du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, l’exécutif avance la nécessité de dépoussiérer et d’améliorer ce dispositif opaque, dont un rapport parlementaire d’activité soulignait en juin 2020 l’efficacité mitigée en matière d’antiterrorisme.
Ces « boîtes noires » sont nées des lois renseignement débattues et votées après les attentats de Charlie Hebdo et de novembre 2015. Dans le cadre de la lutte antiterroriste, les services de renseignement peuvent depuis « imposer aux opérateurs de communications électroniques (...) la mise en œuvre sur leurs réseaux de traitements automatisés destinés, en fonction de paramètres précisés dans l’autorisation, à détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste. »
Informations supplémentaires
Il s’agit d’outils installés, par exemple, chez un fournisseur d’accès à Internet, qui recueillent et analysent en temps réel les métadonnées des internautes, c’est-à-dire les adresses IP des sites et des internautes les consultant, afin de « repérer une menace terroriste », c’est-à-dire les comportements ou éléments susceptibles d’alerter les services de renseignement. Conçues comme une expérimentation, les « boîtes noires » ont déjà été prorogées jusqu’à la fin de l’année 2021, mais le nouveau texte présenté en conseil des ministres vise désormais à les pérenniser.
L’exécutif souhaite aujourd’hui que ces algorithmes soient capables de se nourrir d’informations supplémentaires, en plus des données de connexion actuelles, « pour que soient détectées les consultations d’informations présentant un lien avéré avec les activités terroristes ». Le projet de loi présenté mercredi ajoute ainsi à la liste des données traitées par les « boîtes noires » les « adresses complètes de ressources utilisées sur Internet », désignant ainsi les adresses URL des sites visités par les internautes. Actuellement, les « boîtes noires » sont capables d’analyser seulement des adresses de serveurs, mais le gouvernement souhaite pouvoir nourrir les algorithmes avec les contenus précis et les pages consultés par les internautes, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, ayant donné le 28 avril l’exemple d’internautes visionnant des vidéos de décapitation diffusées par des groupes terroristes.
Il vous reste 58.38% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.