Tout est parti d’une commande, presque d’une injonction, de la Commission européenne. Lassées de voir fleurir dans la presse les représentations du rapport bénéfices-risques du vaccin AstraZeneca – notamment inspirées des travaux réalisés au Royaume-Uni par le Winton Centre de l’université de Cambridge –, Ursula von der Leyen et sa commissaire à la santé, Stella Kyriakides, ont donné de la voix. Elles ont réclamé à l’Agence européenne des médicaments (AEM) une véritable expertise, assortie d’une présentation intelligible pour le grand public.
« Il y a eu une discussion pour savoir si nous étions tout à fait dans notre rôle », raconte Milou-Daniel Drici, professeur de pharmacologie clinique au CHU de Nice et membre du comité d’évaluation des risques en pharmacovigilance (PRAC), une des deux instances de l’AEM. Difficile de dire non à l’instance tutélaire. « Nous avons donc fait le travail et, quitte à le faire, nous avons été particulièrement rigoureux, plus que les Britanniques », poursuit l’expert européen.
Exposition forte de la France
Le principe consiste à évaluer le bénéfice procuré par la vaccination, d’une part ; le risque de subir une thrombose grave, d’autre part ; puis de comparer les deux. Pour le premier volet, les experts européens ont considéré que le vaccin apportait un réel bénéfice lorsqu’il parvenait à prévenir une forme sévère de la maladie. Ils ont donc calculé le nombre d’hospitalisations, d’admissions en réanimation et de décès évités grâce au vaccin, sur une durée de quatre mois. Une évaluation « conservatrice », insistent-ils. Tout porte en effet à croire que la protection dépasse largement ce délai, « mais on manque encore de données suffisantes ».
Ils ont par ailleurs considéré que le vaccin anglo-suédois était efficace à 80 %. Le scénario « le plus favorable », cette fois. Lors de son examen initial, pour autoriser le produit, l’AEM avait retenu le chiffre de 62 %. Mais, depuis, l’espacement des doses et les études en population générale, notamment en Grande-Bretagne, ont fait sensiblement remonter le taux d’efficacité, rappellent les experts.
Enfin, l’agence a distingué trois situations : les pays à faible incidence, où le virus circule peu (en moyenne 14 cas pour 100 000 habitants chaque semaine) ; les pays « moyennement exposés » (100 cas pour 100 000 habitants) ; et ceux à « exposition forte » (222 cas pour 100 000 habitants). La France est de ceux-là. Avec, selon les dernières données européennes, datant du 12 mai, quelque 207 contaminations en moyenne sur 7 jours pour 100 000 habitants, nous sommes devancés notamment par la Croatie (268), la Suède (279), les Pays-Bas (283) et Chypre (399). Selon le ministère de la santé, le taux d’incidence est descendu à 174 pour 100 000 habitants au 10 mai. « Evidemment, le bénéfice attendu dans un pays comme la Finlande ou le Portugal, où le virus circule très peu, est moins important », souligne Milou-Daniel Drici.
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