« On ne va pas réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les tribunaux », lançait l’ancien ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy, en janvier dernier. C’est pourtant bien la stratégie poursuivie par des citoyens toujours plus nombreux, en France et à l’étranger, pour contraindre l’Etat à accroître la lutte contre la crise climatique. Dernier épisode en date : l’eurodéputé Pierre Larrouturou, le réalisateur Cyril Dion et la militante écologiste Camille Etienne ont déposé, mercredi 16 juin, une plainte contre cinq ministres devant la Cour de justice de la République (CJR) au motif d’« abstention de combattre un sinistre », en l’occurrence le changement climatique. Ce délit, inscrit au code pénal, est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Dans cette procédure dont Le Monde a eu la primeur sont visés le premier ministre Jean Castex, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, la ministre déléguée chargée du logement, Emmanuelle Wargon, et le ministre délégué chargé des transports, Jean-Baptiste Djebbari.
La plainte s’avère avant tout un « coup de pression », reconnaît M. Larrouturou, à l’origine de l’initiative. « Le but n’est pas de condamner ces ministres, mais de les pousser à agir », dit le député, habitué aux actions chocs, après avoir mené dix-huit jours de grève de la faim pour obtenir un renforcement du budget de l’Union européenne en faveur du climat et de la santé.
« Actions totalement insuffisantes »
Alors que le gouvernement est déjà sous le coup de deux recours en matière climatique – devant le Conseil d’Etat et le tribunal administratif de Paris – et que l’Etat a été condamné pour « carences fautives » dans la lutte contre le réchauffement climatique dans le procès de l’« affaire du siècle », « le gouvernement continue de prendre des actions totalement insuffisantes au regard de la crise climatique, déplore Pierre Larrouturou. Sanctionner l’Etat reste très impersonnel, et la menace de quelques millions d’euros d’amende ne suffit pas. Il faut maintenant viser les ministres pour les mettre face à leurs responsabilités personnelles ».
Dans cette nouvelle plainte, longue de 70 pages, les plaignants ont d’abord tenté de caractériser l’existence d’un « sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes », en montrant par exemple que le réchauffement climatique augmente la mortalité liée aux canicules et qu’il menace la production agricole, et donc l’accès à l’alimentation. Ils ont ensuite voulu prouver « l’abstention volontaire de combattre » le changement climatique de la part des cinq ministres. « Le sinistre était antérieur à leur entrée en fonctions, mais ils n’ont pas pris les mesures nécessaires pour le stopper et en éviter l’aggravation », argumente Julie Gonidec, l’avocate des plaignants, inscrite au barreau de Paris.
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