« Port-de-Bouc, c’est à part. » Du quartier des Comtes, entrelacs d’imposants logements sociaux, aux Aigues-Douces, cité assaillie par la mer, si photogénique qu’elle sert de décor au film Bac nord, en passant par les ruelles assoupies qui jouxtent le port de plaisance, la formule revient sans cesse. Ici, c’est la réponse que l’on sert pour expliquer que cette ville populaire de 16 569 habitants, communiste depuis 1944, affiche l’un des taux de vaccination contre le Covid-19 les moins élevés de France.
Dans une Métropole Aix-Marseille-Provence déjà à la traîne, Port-de-Bouc affiche sa défiance. Seuls 47,7 % de ses habitants ont reçu une première dose (contre 74 % au niveau national). Pas si loin des quartiers nord de Marseille, champions de France métropolitaine de la réticence au vaccin.
Le maire, Laurent Belsola, voit dans la vaccination « une question personnelle » et n’a pas vraiment d’explication quant au peu d’entrain de ses administrés. « C’est plus dans les milieux bobos qu’il y a un refus de la vaccination », commente l’édile communiste, sans certitude. Le « bobo » est pourtant une espèce assez rare dans la commune : 45 % de logements sociaux – le record du département – et « un chômage important chez les jeunes ». Ici, on travaille dans la sidérurgie (ArcelorMittal), les raffineries ou la pétrochimie. Et les tankers qui attendent, alignés dans la rade, rappellent que Port-de-Bouc est au cœur d’une des zones industrialo-portuaires les plus importantes d’Europe avec sa trentaine de sites Seveso.
Centre médical « vide »
Depuis l’arrivée des vaccins en France, la municipalité n’a pas ouvert de centre. Un Vacci’Bus missionné par le département y a bien fait étape quelquefois, mais pour recevoir son injection, il fallait pousser au mieux jusqu’au gymnase des Salins, à Martigues. Cela ne semble pas bien loin – à quatre kilomètres par la voie rapide qui coupe la ville du reste du monde –, mais même si « ça peut paraître fou, pour certaines populations qui ne possèdent pas de voiture, aller à Martigues, sans transports en commun, ce n’est pas évident », indique M. Belsola. Après avoir atteint 1 000 vaccinations quotidiennes au plus fort de son activité, le centre des Salins tourne aujourd’hui à 150 injections par jour.
« On pourrait penser que le retard dans la vaccination est dû à un défaut de mise à disposition de lieu, de communication, de ressources humaines… Mais ce n’est pas le cas », corrige Laurent Guillerault. Propriétaire de la pharmacie des Comtes, ce quinquagénaire avance d’autres arguments. Dans ce quartier intégré au second volet du plan national de rénovation urbaine en 2018, le pharmacien voit l’effet conjugué de la paupérisation, du bas niveau d’études, de la pénurie de praticiens entraînant un décrochage sanitaire.
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