L’épidémie n’avait pas encore fait son apparition. La France, hormis les quelques spécialistes du sujet, n’avait encore jamais entendu parler du Covid. Le virus était absent des vœux qu’Emmanuel Macron avait adressé aux Français le soir du 31 décembre 2019. Le pays n’en avait pas moins été traversé par plusieurs crises successives, à commencer par celle des « gilets jaunes », un an auparavant. Le chef de l’Etat avait alors réussi à retrouver un semblant d’apaisement avec les territoires en lançant un grand débat national. Après des mois de crispations, les maires se félicitaient de se voir enfin reconnus comme les premiers acteurs de la démocratie locale et du dialogue républicain.
La crise sanitaire survenue au printemps 2020 a mis à rude épreuve cette relation. Elle a souvent réveillé les antagonismes entre l’Etat et les collectivités. Encore faut-il, sur ce point, distinguer ce qui relève des associations d’élus – notamment l’Association des maires de France (AMF), avec laquelle les rapports n’ont cessé d’être empreints de méfiance réciproque – et les maires ou présidents d’intercommunalité dans leur fonctionnement quotidien.
Lourdeur de l’Etat central
Deuxième distinction nécessaire. Nombreux sont les élus locaux qui, tout au long de cette crise, ont déploré la lourdeur de l’Etat central, l’hypercentralisation des décisions, le poids d’une suradministration technocratique symbolisé par le protocole sanitaire de 54 pages élaboré par le ministère de l’éducation nationale pour la réouverture des écoles au moment du déconfinement de mai 2020. Laissez-nous faire, ont-ils répondu en chœur. A l’inverse s’est affirmé le lien de travail en commun au quotidien, et même de solidarité, entre ces mêmes élus locaux et les représentants locaux de l’Etat, les préfets et leurs services. Le couple « maire-préfet » mis en exergue par l’exécutif est une réalité de tous les jours.
Dans cette crise, les communes et les « intercos » ont été en première ligne et ont multiplié les initiatives, que ce soit en matière de distribution de masques et de matériel de protection quand ceux-ci n’étaient pas encore en accès généralisé, d’accueil des enfants des soignants dans les écoles, de maintien des services publics essentiels, d’organisation de l’entraide, de soutien aux commerces ou autres secteurs lourdement impactés… La crise sanitaire a obligé l’Etat et les collectivités territoriales à innover. Elle peut, en ce sens, être un facteur d’inspiration et d’accélération d’une nouvelle étape de décentralisation, qui ne se traduira pas nécessairement par de nouveaux transferts de compétences mais plutôt par une déconcentration des pouvoirs de décision, notamment au niveau réglementaire, afin de libérer l’initiative locale.
Rituels appels au dialogue
Contrairement à ce que pourraient laisser penser les rituels appels au dialogue de certaines associations d’élus, la concertation entre l’exécutif et les collectivités territoriales s’est imposée comme une obligation tout au long de la crise sanitaire, tout comme elle est une évidence pour ce qui concerne la relance de l’activité. Ainsi est érigé en modèle, désormais, le principe de contractualisation, à l’image des 833 contrats de relance et de transition écologique dont la signature doit intervenir d’ici à l’été 2021 entre l’Etat, les communes et les intercommunalités.
In fine, même si cette année de crise n’a pas été un long fleuve tranquille – comment aurait-il pu en être autrement alors que cet épisode exceptionnel a bouleversé l’économie mondiale et nos modes de vie ? –, elle aura renforcé les besoins de proximité et de réactivité, et, dès lors, de partenariat et de complémentarité, entre l’Etat et les collectivités, d’une part, entre les différents niveaux de collectivité, d’autre part. Elle a cependant été révélatrice de l’hypertrophie normative qui caractérise le fonctionnement d’un Etat suradministré. Puissent les leçons en être tirées.
Cet article est réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Forum InOut
Le forum InOut 2021, qui se déroule du 10 au 31 mai à Rennes, propose cette année un rendez-vous télévisé sur l’avenir des villes en partenariat avec Le Monde et TV Rennes. Chaque lundi pendant quatre semaines sera diffusée une émission en ligne de cinquante minutes, disponible en replay.
Au fil des quatre semaines, retrouver ici les émissions :
Est-il possible de bien vivre en ville ?
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