Pas d’organisation structurée, une absence de leadership, des influences multiples et diverses… L’opposition au passe sanitaire n’échappe pas à la règle de toutes les mobilisations horizontales. Ce phénomène était déjà apparu lors du mouvement des « gilets jaunes », en 2018 et 2019 : personne ne pouvait revendiquer la paternité des rassemblements autour des ronds-points. Ainsi, à l’époque, certains manifestants ont été mis en avant au début puis ont disparu, telle Jacline Mouraud. D’autres sont apparus au fil des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux et lors des « actes » hebdomadaires du samedi : Jérôme Rodrigues, Eric Drouet ou Maxime Nicolle, alias « Fly Rider ».
Les défilés contre le passe sanitaire, qui ont rassemblé entre 170 000 et 220 000 personnes chaque samedi depuis la mi-juillet et qui se poursuivent à la rentrée, possèdent les mêmes caractéristiques : pas de leader incontournable ou naturel, pas d’association ou de structure qui mène la contestation, comme cela peut être le cas lors des mouvements sociaux classiques où les syndicats et les partis politiques tiennent un rôle prépondérant.
Protéiforme, l’opposition à la politique sanitaire d’Emmanuel Macron a également vu plusieurs têtes émerger. Des figures qui appartiennent à autant de sphères d’influence différentes. Avec une réelle difficulté : elles peuvent être très dissemblables, voire antagonistes (comme l’illustrent, chaque samedi, les différents cortèges parisiens). Certaines peuvent ainsi fermer les yeux de façon complaisante sur les dérives antisémites présentes dans de nombreux défilés, d’autres se sentir très éloignées de l’extrême droite et être plus concernées par les libertés publiques…
Cependant, aux yeux des participants aux défilés hebdomadaires, chacune de ces personnalités contribue, d’une façon ou d’une autre, à la légitimation de la protestation. Il y a d’abord les scientifiques ou médecins, la plupart contestés, qui remettent en cause l’efficacité sanitaire de la mesure. Les juristes et les intellectuels, qui critiquent une atteinte aux libertés individuelles. Les activistes, souvent anciens « gilets jaunes », qui y voient l’occasion de rallumer un mouvement éteint. Les médias, notamment ceux du groupe Bolloré, qui en profitent pour créer des « clashs » en direct entre pro et anti-passe sanitaire. Les politiques, enfin, qui voudraient bien récupérer un mouvement qui se construit autour d’une opposition profonde à « Emmanuel Macron et son monde ».
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