Des physiciens ont trouvé un moyen pour jouer de deux instruments parfaitement à l’unisson. Deux équipes expliquent, dans Science du 7 mai, avoir indépendamment fabriqué une paire de tambours quantiques qui résonnent si bien ensemble qu’il n’est plus possible de les distinguer. Les deux percussions ne font en fait qu’une. Mieux, si une mouche perturbe un des musiciens, immédiatement son acolyte fera aussi une fausse note.
En termes plus techniques, les équipes des universités de Boulder (Colorado) et d’Aalto (Finlande) ont réalisé des objets quantiques dits « intriqués », et présenté des preuves irréfutables – une première sur des objets macroscopiques. En effet, en 2018, deux équipes, dont la finlandaise, avaient déjà intriqué deux de ces tambours, mais avec des preuves indirectes du phénomène et avec moins d’efficacité, comme le rappellent Hoi-Kwan Lau (université Simon-Fraser, au Canada) et Aashish A. Clerk (université de Chicago) dans leur article accompagnant les deux travaux de Science.
Malgré la réussite, un concert n’est pas pour tout de suite. La membrane en aluminium des tambours reste microscopique, environ 10 micromètres de diamètre, pour une masse d’une centaine de picogrammes (un picogramme vaut 10-12 grammes). Les « baguettes » pour taper dessus et la faire vibrer sont des micro-ondes injectées à l’aide de circuits électriques. Enfin, la salle de concert est plongée dans le vide à une température de quelques millièmes de degrés au-dessus du zéro absolu (soit environ – 270 degrés Celsius).
Mesures de haute précision
De toute façon, la musique n’est pas vraiment la finalité de l’exercice. Un état intriqué est par construction très fragile. Ultrasensible aux perturbations, il peut donc servir à réaliser des mesures de force de haute précision. Si une mouche ne gêne pas un musicien, elle peut perturber le duo et sera donc repérée là où, avec un seul tambour, elle serait passée inaperçue.
Les battements continus de la membrane pourraient aussi se transformer en mémoire quantique pour les futurs calculateurs utilisant des particules éphémères, afin d’accélérer les opérations, et qui peinent donc à durer. Enfin, ces oscillateurs mécaniques peuvent aider à mieux comprendre la mécanique quantique elle-même. « On pourrait tester l’effet de la gravitation lors du passage d’un état quantique à un état classique, qu’on appelle décohérence », songe Laure Mercier de Lépinay, coautrice d’une des études, en postdoctorat en Finlande.
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