Un enfant, 11 ans à peine. « Un petit garçon facile, très gentil », confiera plus tard sa mère aux biographes sans être capable d’en dire beaucoup plus sur son fils. Dans le sillage du jeune Arnaud, lorsqu’il va au cours privé Saint-Louis de Monceau, au cœur de Paris, un garde du corps, un type sympa et baraqué, qui joue à la fois les nounous et les gros bras depuis six ans pour cette petite cible potentielle dont le père, Jean-Luc Lagardère, dirige Matra, une grande entreprise qui s’est spécialisée dès l’après-guerre dans les lance-roquettes, les missiles et l’industrie de l’armement.
A Paris, le gamin habite avenue Hoche, non loin de l’Arc de triomphe. L’hiver, il skie à Courchevel. L’été, il se baigne à Marbella, dans le sud de l’Espagne. Sur le papier, une vie de rêve. Une catastrophe intime vient pourtant de troubler ce bel équilibre : après quatorze ans de mariage, sa mère, Corinne, passionnée de chevaux, quitte son mari pour un cavalier de concours hippiques.
Nous sommes en 1972, Valéry Giscard d’Estaing n’est pas encore président de la République et le divorce par consentement mutuel n’a pas été voté. Chez les Lagardère, la séparation vire à la guerre de tranchées. Jean-Luc n’est pas un homme que l’on abandonne si facilement. Cet ingénieur diplômé de Supélec est en pleine ascension. Bientôt, il va devenir le PDG de Matra et celui d’Europe 1, la radio de « Salut les copains ». C’est un patron charismatique et séduisant, une virilité à la Sean Connery dans les vieux James Bond : sourire ravageur, corps sculpté par les parties de tennis, teint hâlé été comme hiver. « A ma place, que ferait John Wayne ? », aime-t-il plaisanter. C’est dire s’il se perçoit comme un héros.
« Je ne lui arrivais pas à la cheville »
Alors, il bataille. Pas pour récupérer cette épouse qui l’a humilié, mais pour obtenir la garde exclusive d’Arnaud, l’enfant unique du couple, l’héritier de l’empire en construction. Trois ans de procédure. A une époque où les juges statuent presque systématiquement en faveur des mères, Jean-Luc Lagardère obtient que Corinne perde quasiment tous ses droits sur son fils. Devant tant de détermination, elle abandonne la partie. D’ailleurs, Arnaud, sommé de choisir, n’a-t-il pas affirmé qu’il voulait rester avec son père ? « Il était le plus fun et le plus intelligent », confie-t-il. Il ne verra sa mère qu’aux grandes vacances. Puis, bientôt, plus du tout. Trois mois après son départ du domicile conjugal, Corinne lui présente un bébé : voici Pamela, ta demi-sœur. C’est beaucoup pour un garçon qui entre tout juste dans l’adolescence.
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