Les nombreuses vidéos et images à caractère sexuel qu’elle avait conservées avaient poussé Tariq Ramadan à reconnaître, pour la première fois, des relations extra-conjugales –consenties selon lui –, devant les juges, au printemps 2018. Plus de deux ans après le dépôt de plainte de Mounia Rabbouj, les magistrats instructeurs ont mis en examen, jeudi 22 octobre, l’islamologue suisse pour des viols qui auraient été commis en 2013 et en 2014. M. Ramadan était déjà poursuivi pour les viols de quatre autres femmes.
Ancienne « escort girl », Mounia Rabbouj a rencontré l’intellectuel musulman neuf fois, entre février 2013 et l’automne 2014, en France, à Londres et à Bruxelles. Dans un rapport d’expertise rendu ce printemps et destiné à éclaircir la notion d’emprise dans les relations entre M. Ramadan et plusieurs femmes, le psychiatre Daniel Zagury estimait, concernant Mounia Rabbouj, que la relation avait « très vite été marquée par le registre érotique le plus cru ».
« Mounia Rabbouj a totalement consenti à une relation amoureuse, écrivait le psychiatre. Elle a pleinement consenti à une relation érotique après la première rencontre. Elle paraît s’être prêtée aux exigences sexuelles de Tariq Ramadan, du fait de la force de ses sentiments et de son attraction, même si la violence de ses conduites ne correspondait pas à ses attentes de femme amoureuse. Dans l’après-coup, sa protestation concerne essentiellement sa dignité bafouée. » Et d’ajouter : « Si l’emprise exercée par Tariq Ramadan éclaire une partie de la relation, il n’apparaît pas possible de considérer qu’elle en est le seul ressort. »
« Pure opportunité »
En juin 2018, afin de convaincre les juges que la relation était consentie, M. Ramadan avait transmis à la justice des centaines de vidéos et de photos. Les magistrats l’avaient placé sous le statut de témoin assisté alors que le parquet réclamait sa mise en examen. Mounia Rabbouj avait à nouveau été entendue par les juges cet été, le 10 juillet.
« C’est en quelque sorte une boucle qui se boucle puisque c’est le témoignage de Mounia qui avait contraint Tariq Ramadan à revenir sur ses mensonges et à avouer, pour la première fois, ses relations extra-conjugales, s’est félicité Me Eric Morain, qui défend aussi une autre plaignante, “Christelle”. Aujourd’hui, c’est bien de viol dont on parle et c’est conforme à ce qu’a décrit ma cliente. »
Me Pascal Garbarini, l’un des avocats de Tariq Ramadan, dénonce une mise en examen « de pure opportunité », qui « ne repose sur aucun élément nouveau. L’accusation veut sauver coûte que coûte son dossier et elle sera contestée devant la chambre de l’instruction ». Son client devrait être entendu encore à plusieurs reprises par la justice d’ici à la fin de l’année.