Voilà une décision qui va intéresser bien au-delà de l’archevêché de Lyon et de l’affaire Philippe Barbarin, qui en est à l’origine. Saisie d’un recours contre l’arrêt de la cour d’appel de Lyon, qui a relaxé l’ex-cardinal de Lyon, la Cour de cassation a rendu, mercredi 14 avril, un arrêt qui encadre l’obligation de dénonciation d’atteintes ou d’agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans.
A l’initiative de l’association La Parole libérée, le cardinal Philippe Barbarin avait été poursuivi pour ne pas avoir dénoncé auprès du procureur de la République les agressions sexuelles dont il avait reçu la confidence de la part d’une victime de l’ancien aumônier scout, Bernard Preynat. Condamné en première instance par le tribunal de Lyon, Philippe Barbarin avait fait appel et avait été relaxé.
Au cœur des débats figurait l’interprétation de l’article 434-3 du code pénal qui définit le délit de non-dénonciation par « le fait, pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n’ont pas cessé ».
Règles de prescription « complexes »
La Cour de cassation était saisie de deux questions sur lesquelles le tribunal de Lyon puis la cour d’appel avaient apporté des réponses différentes : une personne est-elle tenue de dénoncer des faits d’agressions sexuelles portés à sa connaissance, quand bien même ces faits seraient prescrits ? L’obligation de dénonciation se poursuit-elle si les victimes, devenues majeures ou ne présentant plus de « vulnérabilité » au sens du code pénal, sont en état de dénoncer elles-mêmes les faits ?
La Cour de cassation a répondu oui à la première question et non à la deuxième. Sur la prescription des délits dénoncés, elle prend le contrepied de la cour d’appel de Lyon qui, dans son arrêt rendu le 30 janvier 2020, avait considéré que « l’obligation sanctionnée par le texte ne saurait être considérée comme juridiquement maintenue dès lors que l’infraction principale ne peut plus faire l’objet de poursuites ».
Les juges d’appel s’appuyaient sur le fait que, lorsque les délits sont prescrits, il n’y a plus d’entrave à la justice susceptible d’être reprochée à la personne n’ayant pas dénoncé. La Cour de cassation estime, au contraire, que l’obligation de dénonciation « persiste même si les mauvais traitements paraissent prescrits au moment où celui qui a l’obligation de les dénoncer en prend connaissance ». A l’appui de sa décision, elle relève en effet que les règles de prescription étant « complexes », celles-ci « ne peuvent être laissées à l’appréciation de la personne qui reçoit l’information et qui peut, en particulier, ignorer l’existence d’un acte qui serait de nature à interrompre cette prescription ».
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