Chercheuse associée à l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (Paris-I Panthéon-Sorbonne), autrice de l’ouvrage Les pièges du consentement (Editions iXe, 228 pages, 16 euros), Catherine Le Magueresse salue la pénalisation de toute relation sexuelle entre un adulte et un mineur de moins de 15 ans, adopté définitivement jeudi 15 avril, par le Parlement. Elle regrette toutefois un débat trop peu approfondi.
La proposition de loi visant à protéger les mineurs des crimes sexuels de la sénatrice Annick Billon fixe un interdit légal de toute sexualité entre un adulte et un mineur de moins de 15 ans. Est-ce une avancée que vous saluez ?
Très clairement, oui. C’est une demande portée depuis plusieurs années par plus d’une trentaine d’associations, réunies au sein du Collectif pour l’enfance [CPE]. Cette disposition, qui existe dans une multitude de pays, est aussi très attendue des Françaises et des Français, qui tombent bien souvent des nues quand ils apprennent que la loi actuelle ne protège pas spécifiquement les mineurs. Pour ces derniers, comme pour les victimes majeures, il est, en effet, nécessaire, pour caractériser un viol, de prouver l’existence d’une contrainte, menace, violence ou surprise.
Depuis l’affaire de Pontoise, [en 2017, la justice avait décidé de juger un homme qui avait des relations sexuelles avec une enfant de 11 ans pour « atteinte sexuelle sur mineure de 15 ans », en dépit d’une plainte déposée pour « viol ». Le parquet avait considéré que la contrainte ne pouvait pas être établie] l’opinion publique a été informée des failles béantes de la protection des mineurs et attend donc que le système soit amélioré. C’était aussi un engagement d’Emmanuel Macron, dans son discours de 2017 à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes. Mais jusqu’à présent, il n’a pas été tenu : le gouvernement ayant, finalement, reculé au moment de l’adoption de la loi de 2018 sur les violences sexistes et sexuelles.
A l’époque, le Conseil d’Etat, saisi pour avis, s’était opposé à la fixation d’un seuil d’âge au motif qu’elle bafouerait la présomption d’innocence du mis en cause. Ce qui est regrettable, c’est que sur ce point, la Cour européenne des droits de l’homme, saisie pour une affaire au Royaume-Uni, apportait déjà une réponse claire. La juridiction européenne indiquait ainsi dans un arrêt rendu en 2011 qu’il était possible d’introduire dans le droit pénal des incriminations interdisant une interaction sexuelle entre un adulte et un mineur, à la condition qu’elles soient caractérisées par un élément matériel – comme le contact de nature sexuelle – et un élément intentionnel – le fait de vouloir ce contact.
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