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La pandémie incite les villes à se réinventer

Face au Covid-19, les villes revoient leurs copies pour évoluer vers des agglomérations plus aérées, vertes et polycentriques.

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Publié le 10 mai 2021 à 12h00, modifié le 11 mai 2021 à 20h19

Temps de Lecture 5 min.

Sur un quai de tramway, à Nantes (Loire-Atlantique), le 8 mai 2020.

C’est à l’unanimité que les élus de Rennes ont voté, le 26 avril, la plantation de 18 arbres, en pleine terre, place de la mairie. Le projet contribue à prolonger la trame verte de la ville jusque dans son centre, encore très minéral. IL y a encore un an, il n’aurait jamais obtenu une approbation aussi unanime.

Les grandes crises sanitaires ont toujours modifié l’urbanisme. Celle due au Covid-19, en révélant certains maux des espaces urbains – en particulier les pollutions sonores, atmosphériques, et les inégalités sociales et spatiales –, a mis en exergue l’urgence à agir. Elle a aussi ébranlé un certain nombre de certitudes. A commencer par le dogme de la densité.

« Ce n’est pas tant la densité que sa qualité qui mérite d’être questionnée », tempère d’emblée le géographe Michel Lussault. Certaines villes ou quartiers très denses, rappelle-t-il, ont été plus épargnés que d’autres beaucoup plus clairsemés. Cette crise sanitaire a surtout, plus que jamais, souligné les travers de la polarisation fonctionnelle excessive des villes. « Totalement conçues et formatées pour l’automobile, nos structures urbaines sont zonées, plaçant les différentes fonctionnalités de la ville à des distances importantes les unes des autres, difficilement praticables à pied ou à vélo, relève le philosophe de l’urbain Thierry Paquot. Leur évolution s’impose. Il faut tendre vers la ville polycentrique. »

La ville du quart d’heure

Pour un nombre croissant de villes du monde, la réponse réside dans la « ville du quart d’heure », dans laquelle on trouverait à proximité de chez soi tous les services essentiels. Mulhouse entend ainsi faire de chacun de ses six quartiers un « pôle de centralité », en y facilitant l’installation de projets commerciaux et en y développant équipements et services publics. « Au-delà de la nécessité de réduire les émissions de CO2, il faut changer les rythmes de nos villes, il y a une proximité à retrouver dans les quartiers et nous devons rompre avec l’idée d’une ville avec un seul centre », soutient sa nouvelle maire, Michèle Lutz, qui, comme Anne Hidalgo à Paris, a fait de la « ville du quart d’heure » un argument de campagne.

Si l’expression sonne comme une formule magique, une chose est sûre : la crise, qui oblige à raisonner sur de courtes distances, redonne une force à la proximité. Pour Jean-Marc Offner, directeur de l’agence d’urbanisme Bordeaux-Aquitaine, la démarche n’a toutefois de sens qu’à l’échelle de toute l’agglomération ou métropole, elle doit viser à sortir de l’opposition centre-périphérie. « Le véritable enjeu est hors des centres : dans le périurbain, la question de l’accessibilité à des services de proximité est tout aussi, si ce n’est plus, essentielle », insiste l’urbaniste.

Rennes Métropole est couramment qualifiée de « ville archipel » parce qu’elle ne forme pas un agglomérat mais rassemble 43 communes de différentes tailles reliées par une trame verte, des espaces restés naturels ou cultivés. « L’écueil de la ville archipel est les distances, reconnaît Marc Hervé, premier adjoint à l’urbanisme. Dès lors, le développement de jonctions les plus rapides possible entre ces différentes polarités est essentiel. » Alors qu’une première ligne de métro, en 2002, fit de Rennes la plus petite ville au monde à bénéficier d’un tel équipement, une seconde ligne est prévue pour 2022. Et d’ici à 2030, un Trambus, long bus électrique et rapide roulant sur des voies réservées, devrait venir renforcer l’offre pour des communes des 2e et 3e couronnes.

Des modes de déplacement doux

Développer des liens entre les différentes centralités est d’autant plus fondamental, souligne l’architecte urbaniste Ariella Masboungi, que chaque quartier a sa spécificité. « En habitant en ville, on ne vit pas à l’échelle d’une seule proximité mais dans un réseau de proximités », relève-t-elle. « Survaloriser la vie de quartier est une négation de ce qu’offre la ville comme atout : on n’habite pas une grande ville pour consommer uniquement en bas de chez soi, mais parce qu’il y a une grande diversité d’offres », abonde Jean-Marc Offner.

Et ces liens doivent donner une place confortable aux modes actifs et alternatifs à la voiture individuelle que sont les transports collectifs, les deux-roues, et aussi et surtout la marche à pied. « La ville marchable, relève Ariella Masboungi, n’est pas une ville sans aucune voiture, mais elle n’est plus dessinée pour la voiture et privilégie les modes doux de déplacement. Créer des continuités vertes piétonnes est important pour qu’il soit agréable pour les gens de se promener. » Pour cette urbaniste, il est essentiel de reconfigurer l’espace public en introduisant la nature chaque fois que c’est possible (petits jardins, places plantées, bosquets…). Retrouver de l’espace en ville est primordial, estime-t-elle. Il ne s’agit pas de revenir à un étalement urbain délétère, mais de penser une ville desserrée, donnant plus de place à la nature.

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« Par sa simple présence, la nature diminue le stress et la fatigue mentale, rappelle Lise Bourdeau-Lepage, géographe, professeur à l’université Lyon-III. La pandémie du Covid-19 invite, non pas à mettre en place quelques mesures, mais bien à opérer un changement de paradigme, à passer d’une végétalisation d’embellissement à une végétalisation pour le bien-être et la santé des citadins. »

Partisan d’un « urbanisme du soin », Michel Lussault insiste sur l’attention à apporter à la qualité des alentours immédiats des logements, aujourd’hui souvent médiocres. « Il faut repenser l’agencement des unités construites, insérer des interstices, des petits espaces verts de proximité, pour en faire des aires de respiration. Paradoxalement, pour que la densité soit acceptable, il faut créer des espaces vides, non fonctionnalisés. Cela contribue au confort d’habiter en ville, qui plus est lorsqu’on vit dans un petit logement. » Une aération que Marc Hervé juge lui-même essentielle. Alors que Rennes, qui voit croître sa population, est amenée à construire des logements, l’élu estime utile de parfois faire le choix de la hauteur. « Sans avoir d’obsession pour le vertical, explique-t-il, c’est une solution pour garder de l’espace et végétaliser, développer des bancs, des jeux, des terrains de sport aux pieds des immeubles. »

Il faut « “améniser” la ville, rendre amène ses espaces, résume Thierry Paquot, afin que l’on se sente chez soi dans n’importe quelle rue. »

Cet article est réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le forum InOut.

Forum InOut : l’avenir des villes en quatre émissions

Le forum InOut 2021, qui se déroule du 10 au 31 mai à Rennes, propose cette année un rendez-vous télévisé sur l’avenir des villes en partenariat avec Le Monde et TV Rennes. Chaque lundi pendant quatre semaines sera diffusée une émission en ligne de cinquante minutes, disponible en replay.

Au fil des quatre semaines, retrouver ici les émissions :

Est-il possible de bien vivre en ville ?

La vie connectée est-elle intelligente ?

La ville est-elle faite pour les femmes ?

Y a-t-il un modèle de ville idéale ?

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