Comment assurer une distanciation sociale digne de ce nom dans des établissements scolaires où la promiscuité est de mise ? Depuis le début de la crise sanitaire la problématique s’est imposée dans les débats sur l’école. On y parle densité scolaire, demi-jauge, aération des salles, cantines, état des toilettes… En filigrane de tous ces sujets, la question des bâtiments scolaires, et d’une architecture qui pose problème pas seulement par temps de pandémie. Éléments de réflexion avec Pascal Clerc, professeur des universités en géographie et membre du laboratoire École, Mutations, Apprentissages à CY-Cergy-Paris-Université.
En quoi l’épidémie de Covid-19 a-t-elle été révélatrice des problématiques d’architecture scolaire en France ?
Certaines caractéristiques des établissements scolaires en font des espaces à risque en cas d’épidémie. C’est le cas de la densité dans les salles de classe qui, si elle ne facilite pas l’apprentissage des élèves en temps normal, rend ardue toute règle de distanciation sociale en période de crise. Au XIXe siècle la norme fixée était au minimum de 1,50 m² par élève. On est aujourd’hui autour de 2 à 3 m², voire un peu moins si on prend en compte le « territoire » plus important de l’enseignant dans la classe par rapport à celui des élèves (zone du tableau, allées entre les tables…). A titre de comparaison, on considère une plage « saturée » lorsque les vacanciers ont moins de 3 m² par personne, et on préconise au moins 10 m² par salarié dans les espaces de bureau.
La question des couloirs et des escaliers est aussi un impensé de la majorité des constructions scolaires, tout comme les interclasses. Dans l’enseignement secondaire, il en résulte d’évidents problèmes de circulation toutes les heures, lorsque la plus grande partie des élèves et des enseignants se déplacent en même temps dans ces espaces mal conçus, une situation à risque tant en termes sanitaires que de climat scolaire. La question ancienne de l’état et du nombre des toilettes a aussi été remise sur la table avec la crise.
La question sanitaire a-t-elle, dans l’histoire de l’école, orienté les constructions scolaires ?
La construction des établissements scolaires est depuis toujours pensée en fonction de ce qui semble bon pour la santé des élèves d’un côté, et pour leurs apprentissages de l’autre. Mais naturellement les normes et les valeurs en la matière évoluent. Par exemple en 1880 est publié un règlement très détaillé pour la construction des écoles, avec des normes strictes à respecter, dans une démarche clairement hygiéniste : les classes doivent pouvoir être aérées régulièrement, l’orientation de l’école doit tenir compte du climat de la région, les bureaux doivent faire une taille précise. Il faut un éclairage naturel, si possible venant de la gauche de la classe car à l’époque la « norme » est que les élèves soient tous droitiers…
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