L’air de l’accordéon égaie le réfectoire. Une aide-soignante danse au bras d’un résident. Autour des tables, certains pensionnaires hochent la tête, d’autres battent la mesure avec le pied. Michel Stien, 85 ans applaudit. « Ici, glisse le compositeur typographe. Il y a bien des animations pour essayer d’échapper à la neurasthénie mais c’est la famille qui manque le plus, les petits-enfants. Pour une vieille personne, être longtemps enfermée et privée de visite, c’est terrible. »
Lundi 10 mai, M. Stien, comme les 83 autres résidents de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Jacques-Bonvoisin à Dieppe (Seine-Maritime), ignore encore qu’il est à la veille d’un retour à la vie – presque – comme avant dans l’établissement. Mardi 11 mai, la directrice, Marie-Odile Vincent a décidé d’écrire aux familles pour leur annoncer qu’à compter de ce jour, elles pourront emmener leur proche à nouveau chez elles et prendre leur repas à l’Ehpad avec eux. Un grand pas vers une ouverture totale des portes.
Depuis la fermeture complète des Ehpad décidée par le gouvernement, du 11 mars au 20 avril, les sorties en famille dans cet établissement avaient été de nouveau suspendues le 14 octobre – sauf à Noël et durant trois jours en mars. Il aura fallu attendre sept mois pour qu’elles reprennent. Pourquoi si longtemps ?
En zone rouge
Le 13 mars, un « protocole post-vaccinal » du ministère de la santé avait recommandé aux Ehpad d’alléger les restrictions de visites et de sorties, au motif que plus de 80 % des résidents avaient reçu une première dose de vaccin. Mais le texte du ministère précisait que « les sorties dans la famille ne sont pas autorisées dans les zones où un confinement local est en vigueur ».
Mi-mars, la Fondation Partage et vie, à laquelle appartient l’Ehpad Jacques-Bonvoisin, a donc enjoint à ses 121 établissements d’autoriser les sorties des résidents en famille, mais a privé de cette liberté ceux qui sont « dans un territoire en surveillance renforcée ». Or la Seine-Maritime a été classée le 20 mars par l’exécutif parmi les 19 départements devant faire l’objet de « mesures de freinage » de l’épidémie. En clair, Dieppe s’est retrouvé en zone rouge.
« Parmi les résidents. la frustration a été forte », se souvient Priscilla Gentil, la psychologue de l’Ehpad. Un crève-cœur, d’autant que le 5 mars, selon un courrier aux familles, « 75 des 84 résidents » avaient reçu « leur seconde injection de vaccin », soit 89 %. Quelques pensionnaires ont reçu leur seconde dose en mars ou avril. « Le taux de 92 % de résidents immunisés a été atteint le 4 mai », calcule la directrice. Dès le 5 mars, l’accès des proches aux chambres de tous les résidents – vaccinés ou non – a été autorisé. A deux conditions pour les visiteurs : être vacciné ou disposer d’un test PCR négatif. Précaution superflue ?
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