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La justice confrontée à la crise profonde de l’expertise psychiatrique

Chargés d’évaluer le discernement de l’auteur d’un crime lors des faits, les psychiatres sont de moins en moins nombreux à accepter de participer aux procédures judiciaires, qui leur donnent pourtant un rôle croissant. Résultat, les délais augmentent et la qualité des expertises diminue.

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Publié le 06 juillet 2021 à 02h32, modifié le 06 juillet 2021 à 15h29

Temps de Lecture 6 min.

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Distribution des repas dans l’unité pour malades difficiles (UMD) de Montfavet, à Avignon (Vaucluse), le 29 juin.

Leurs noms parlent peu au grand public, mais ils sont des figures des tribunaux. Daniel Zagury, Paul Bensussan, Roland Coutanceau… Ce sont les experts psychiatres qui aident notamment la justice à déterminer si une personne doit être considérée comme responsable ou non de ses actes au moment d’un crime. Et la question est souvent sensible.

Récemment, l’affaire Sarah Halimi est venue le souligner. Dans le cas de cette Parisienne de 65 ans, défenestrée en 2017 par un voisin, la justice a conclu à l’irresponsabilité du meurtrier, Kobili Traoré, déclenchant une polémique, l’antisémitisme du crime passant derrière les « bouffées délirantes » décrites par les experts. La mobilisation de sept psychiatres – décrivant les mêmes symptômes mais pas tous favorables à l’irresponsabilité – n’a donc pas suffi à éteindre l’incendie.

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Pourtant, au jour le jour, peu d’affaires criminelles bénéficient d’un tel luxe. La justice est même confrontée à une crise sans précédent de l’expertise psychiatrique.

Un simple constat arithmétique permet d’en prendre la mesure. D’un côté, le recours par les tribunaux aux expertises avant les procès ou dans le cadre des aménagements de peine ne cesse de croître. Selon le ministère de la justice, 49 148 expertises psychiatriques ont été réalisées en 2020. De l’autre, les experts se font rares : 356 psychiatres sont aujourd’hui inscrits sur les listes des cours d’appel. Ils étaient 537 en 2012, et 800 en 2007.

Une rémunération insuffisante

La conséquence de cet effet de ciseaux est double, avec des délais qui s’allongent pour obtenir une expertise et une qualité qui est moins au rendez-vous.

« Quand je suis arrivée en 2013 au tribunal de Boulogne-sur-Mer [Pas-de-Calais], la liste des experts psychiatres de la cour d’appel de Douai [Nord] faisait quatre pages, elle tient désormais sur moins d’une page », observe Marion Cackel, aujourd’hui juge d’instruction à Lille. « Nous avons des dossiers bloqués depuis deux ans à l’instruction car l’expertise n’a pas encore été faite », affirme celle qui est par ailleurs présidente de l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI). Parmi les trois experts avec lesquels travaillent les magistrats lillois, un seul accepte, par exemple, de se rendre en maison d’arrêt pour y rencontrer les détenus.

La crise de la psychiatrie en France n’explique pas tout. Il y a une problématique spécifique liée à la justice. Pour Jean Sol, sénateur (Les Républicains) des Pyrénées-orientales, « l’expertise psychiatrique est en danger, on ne peut plus faire l’économie d’une réforme dédiée ». Il a signé, en mars, avec son collègue des Alpes-de-Haute-Provence Jean-Yves Roux (Parti radical de gauche) un rapport d’information sur l’expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale pour le compte de la commission des affaires sociales et de la commission des lois du Sénat. Le tableau est alarmant.

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