Tribune. L’Ecole de la IIIe République, déjà, était confrontée à l’échec scolaire. Mais si les « hussards noirs » qui y officiaient le déploraient et remarquaient même qu’il était fortement corrélé à l’origine sociale, initiant ce qu’on n’appelait pas encore la théorie de la reproduction, ils ne s’interrogeaient que très rarement sur les moyens de le combattre. Les remises en cause d’un modèle institutionnel et pédagogique produisant ordinairement une importante part d’échec étaient alors marginales, révélant le fait que la démocratisation de la réussite dans l’Ecole française n’est devenue que très tardivement un objectif prioritaire.
La première polémique significative agitant les médias autour de l’échec scolaire date d’octobre 1987, lorsque le rapport Andrieu, présenté au Conseil économique et social, en estime le coût à 100 milliards de francs. L’Ecole et ses maîtres n’ont bien sûr pas attendu cette révélation pour s’activer auprès des élèves en difficulté, mais cet engagement résulte d’évolutions lentes et insensibles, d’adaptations et d’ajustements improvisés, et non d’un choix politique qui y aurait donné sens : les chances que cette vocation nouvelle de l’Ecole soit pleinement assumée en sont d’autant plus minces.
Alors même qu’il s’agit d’un choix politique extrêmement fort, la mise en place des zones d’éducation prioritaires, à partir de 1982, est révélatrice. Instituée par une circulaire, c’est-à-dire le texte le plus bas dans la hiérarchie des textes réglementaires, la remise en cause de l’égalité formelle par un système appuyé sur un principe de discrimination positive en faveur de territoires en difficulté s’opère hors du Parlement. Cette étrange façon de procéder renvoie en fait à une volonté d’évitement du débat politique par un Parti socialiste, fraîchement élu, craignant qu’un tel changement de paradigme suscite des conflits dans ses réseaux. Là encore, on a manqué une occasion de mettre en débat le projet d’une Ecole faite d’abord pour les élèves en difficulté.
Derrière le redoublement, une visée élitiste
Un autre dispositif a lui aussi connu une institutionnalisation peu débattue. Le redoublement trouve en partie ses origines non dans la volonté d’offrir une seconde chance aux élèves en échec, mais dans le choix fait par les directeurs d’école de maintenir dans la classe multi-âges de leur adjoint les élèves qu’ils comptaient ne pas présenter à l’examen du Certificat d’études. Les élèves jugés aptes, eux, bénéficiaient d’une année d’entraînement intensif dans la classe du directeur. C’est donc un peu par accident que le redoublement, qui répondait plutôt à des préoccupations élitistes, s’est généralisé en tant que moyen, au demeurant fort imparfait, de lutte contre l’échec.
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