Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

« C’est difficile d’expliquer ce que c’est de croiser la mort » : au procès du 13-Novembre, Clarisse, Edith et Bruno, trois rescapés du Bataclan

Cachés sous un siège ou dans une salle technique, ils ont survécu aux terroristes. Devant la cour d’assises spéciale de Paris, mercredi, ils ont témoigné des moments de solidarité malgré l’horreur de l’attaque.

Par 

Publié le 07 octobre 2021 à 06h18, modifié le 01 juillet 2022 à 12h57

Temps de Lecture 7 min.

Article réservé aux abonnés

Edith et Bruno, deux rescapés de l’attaque du Bataclan, témoignent devant la cour d’assises, à Paris, le 6 octobre 2021.

Clarisse, retenez ce prénom. Celle qui le porte a de grands yeux d’un bleu limpide. Elle a noué ses cheveux à la va-vite dans un chignon qui lui fait comme une drôle de pelote vacillante sur le sommet du crâne. Clarisse a 30 ans, elle est la cinquième rescapée du Bataclan à témoigner, mercredi 6 octobre, devant la cour d’assises spéciale de Paris.

Elle dit : « C’est difficile de retranscrire, d’expliquer ce que c’est de croiser la mort. Je vais essayer. » Elle commence à raconter et on ne lâche plus la Clarisse de 24 ans qui vient de terminer ses études, n’a pas encore trouvé du travail et entre, ce vendredi 13 novembre 2015, dans la fosse du Bataclan. « Avec ma meilleure amie, on est des inconditionnelles de rock. Comme d’habitude, on rejoint la fosse côté droit. A chaque concert, c’est notre lieu. »

La petite fiole de whisky qu’elle a passée en douce sous le manteau – « c’est le système D des étudiants fauchés » – circule de main en main. Clarisse regarde les visages autour d’elle, elle a toujours aimé ça, regarder les visages ; elle ne voit que des gens heureux, elle danse, il commence à faire chaud, elle retire sa veste.

La fiole est déjà vide, les filles ont envie de boire encore – « le rock, c’est de la musique et des bonnes bières fraîches » – ; elles attendent que le groupe entame « une chanson un peu longue, pas terrible », Kiss the Devil, pour aller se ravitailler. Au bar, la pinte est trop chère, il faut ruser, elles plaisantent avec le videur, lui disent qu’elles vont chercher de l’argent au distributeur pour qu’il accepte de leur mettre un tampon sur la main, elles ont prévu de filer à la supérette du coin.

« Je me dis quelle mort de merde dans une loge en Placo ! »

Il est 21 h 47, elles sont dans le vestiaire, « un bruit assourdissant déchire le silence de la rue », le videur a un mouvement de recul, « ça tire une, deux, trois, quatre fois. Ils sont juste là. Notre seule issue, c’est de retourner dans la salle ». Elles se séparent, Clarisse court vers la droite de la fosse. « Le concert bat son plein, je pousse des gens, je crois que je dis “ça tire” mais je ne suis pas sûre que le son sort de ma bouche, je regarde la scène et je vois le guitariste jeter sa guitare, tout le monde se met au sol, ça tire en rafales de tous les côtés. J’attends de me faire tirer dans le dos. Et je me demande : est-ce que ça va faire mal ? A plat ventre, je pense à ma famille et je me dis que je ne peux pas leur faire ça. J’attends qu’ils rechargent. »

Clarisse aperçoit une porte de secours, s’en approche, d’autres personnes la suivent. « Elle est bloquée. On tape, on tape et la porte s’ouvre sur un videur complètement éberlué. Je suis en tête. On monte un étage, puis un deuxième, je fonce vers la loge, une vieille loge en Placoplatre. On est une cinquantaine. On est piégés. Je me dis quelle mort de merde dans une loge en Placo ! » Au fond, des toilettes. « Et là, j’ai un flash de GoldenEye de James Bond. Je me mets à défoncer le plafond à coups de poing. »

Il vous reste 68.18% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.