Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Il exprime ses dernières volontés par SMS

Par  (Blog SOS conso)

Publié le 23 août 2018 à 18h14, modifié le 04 septembre 2019 à 17h35

Temps de Lecture 3 min.

Le 23 octobre 2016, Pierre (tous les prénoms sont modifiés), 46 ans, se suicide, lorsqu'il apprend que son épouse, Martine, vient de déposer une requête en divorce. Avant de commettre ce geste fatal, il envoie à sa soeur Isabelle un SMS ainsi libellé : « Tu pourras voire [sic] avec l'avocat que mamie récupère ma part merci bisous et mettez-moi à côté de mon père et de ma soeur. »

.

Pierre laisse pour lui succéder Martine, avec laquelle il s'était marié sans contrat en 1997, et leurs trois enfants, âgés respectivement de 20, 16 et 11 ans. Martine est supposée hériter de la moitié du patrimoine de la communauté, et les trois enfants de l'autre moitié.

.

.

Testament olographe

Mais Odette, la « mamie » du SMS, réclame alors la « part » qui lui a été léguée par texto. Il s'agit de la « quotité disponible », qui s'impute sur la fraction revenant aux enfants (elle est d'un quart lorsqu'ils sont au nombre de trois). Odette considère en effet que le SMS dans lequel son fils a exprimé ses dernières volontés vaut testament.

Martine et ses enfants refusent de la lui accorder, en invoquant l'article 970 du code civil. Celui-ci énonce : « Le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme. » Or, le SMS est un texte électronique, et non manuscrit.

Odette assigne Martine et ses enfants devant le tribunal de grande instance de Metz (Moselle), le 19 mai 2017. Son avocat, Me Thomas Hellenbrand, demande qu'avant de statuer, le tribunal transmette une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à la Cour de cassation.

.

.

Droit de propriété 

L'avocat souhaite que la Cour interroge le Conseil constitutionnel sur la conformité, à la Constitution, de l'article 970 du code civil, au regard du droit de propriété. Me Hellenbrand considère en effet que cet article 970, rédigé au 19e siècle, lorsque l'électronique n'existait pas, limite le mode d'expression du testateur et, par voie de conséquence, son droit à disposer comme il l'entend des biens dont il est propriétaire.

L'avocat constate que « la loi du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologie de l'information a permis que l'écrit sous forme électronique puisse constituer, au même titre que l'écrit sur support papier, un mode de preuve littérale ». Or, déplore-t-il, l'article 970 du code civil n'a pas fait l'objet d'une telle adaptation.

.

.

Protection du testateur

Martine et ses enfants s'opposent à la transmission de la QPC, au motif que cette dernière  serait dépourvue de « caractère sérieux ». Le tribunal de grande instance leur donne raison, le 17 août (2018). En effet, explique-t-il dans son ordonnance de mise en état, le législateur, en imposant que le testament soit écrit, daté et signé de la main de son auteur, a voulu « protéger » ce testateur, au moment où il dispose de ses biens pour le temps où il n'existera plus.

« Cette exigence manuscrite permet de limiter les risques de falsification, de prévenir les risque d'erreurs dans la rédaction, de garantir une réflexion suffisante de la part du testateur. L'écrit garantit son identité, son indépendance, et sa liberté d'esprit. Il manifeste sa volonté d'approuver les termes employés et de leur donner valeur testamentaire. »

Le tribunal précise encore que « l'écriture est requise ad solemnitatem, pour sa validité, et non ad probationam, à des fins probatoires ». De ce fait, l'avocat d'Odette « ne peut faire un parallèle avec les règles issues de la loi du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologie de l'information et relative à la signature électronique, ou d'une manière générale avec les règles du droit de la preuve ».

Après avoir ainsi jugé qu'un SMS n'a pas valeur de testament, le tribunal ne pourra que débouter Odette. Me Hellendrand compte alors faire appel et réintroduire sa demande.

Et vous, qu'en pensez-vous?

.

.

.

D’autres articles de Sosconso : Grève des pilotes : Ryanair devra-t-elle indemniser ses passagers ?

ou Bonnes vacances ! 

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.