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En Suisse, la vaccination obligatoire pour les soignants n’est pas à l’ordre du jour

Alors que la France vient d’imposer le vaccin au personnel médical, la Suisse continue de miser sur une stratégie de persuasion même si la pression augmente pour davantage de contrôle

Soignants autour d’un patient atteint du Covid-19 aux Hôpitaux universitaires de Genève en novembre 2020. — © EPA/MARTIAL TREZZINI
Soignants autour d’un patient atteint du Covid-19 aux Hôpitaux universitaires de Genève en novembre 2020. — © EPA/MARTIAL TREZZINI

La pression sur les soignants réfractaires au vaccin s’accentue. A compter du 15 septembre, ce dernier sera obligatoire en France pour le personnel en contact avec des malades ou des personnes vulnérables. Alors que l’Allemagne maintient la liberté de choix, la Suisse semble tiraillée entre indépendance des soignants et nécessaire protection des patients. A défaut d’une obligation, de plus en plus de voix s’élèvent pour un contrôle renforcé, notamment sous forme de tests systématiques.

La semaine dernière, le conseiller d’Etat genevois Mauro Poggia avait assimilé les soignants refusant le vaccin à des «erreurs de casting». Aujourd’hui, le ministre de la Santé se montre plus nuancé. S’il juge que la décision française «se justifie sur le fond», il rappelle que la Suisse a jusqu’ici misé sur une stratégie basée sur la conviction et non sur la contrainte. «Il faut maintenir ce cap, plaide Mauro Poggia. A chaque employeur de faire ce travail de persuasion au sein de ses équipes et à chaque soignant de questionner sa déontologie, puis d’en assumer les éventuelles responsabilités, si son employeur décide de le retirer du front.»

Cadre légal existant

Au niveau politique, l’obligation vaccinale n’est pas à l’ordre du jour, le ministre de la Santé, Alain Berset, l’a répété, sans toutefois cacher son agacement envers les soignants réticents. Sur le plan légal, la loi sur les épidémies donne la possibilité au Conseil fédéral – après avoir consulté les cantons – de rendre la vaccination obligatoire pour les personnes à risque ou «exerçant certaines activités» en cas de «situation extraordinaire». Les cantons disposent eux aussi de cette prérogative «pour autant qu’un danger sérieux soit établi». Enfin, les hôpitaux cantonaux peuvent aussi prendre des mesures pour protéger leurs patients au regard, cette fois, de la loi sur le travail. Dans ce dernier cas, les soignants non vaccinés seraient par exemple transférés dans un service moins exposé ou assignés à des tâches administratives sans contact avec les patients.

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Une dernière option difficilement applicable aux yeux de Rebecca Ruiz, conseillère d’Etat vaudoise et vice-présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de la santé. «Choquée» que certains soignants refusent le vaccin, elle ne soutient toutefois pas la voie de la contrainte, qu’elle juge contre-productive. «Il faut user de la persuasion pour tenter de convaincre le plus grand nombre possible, estime-t-elle. Si cela ne suffit pas, il faudra dès cet automne mettre en place des mesures pour protéger les patients qui n’ont pas d'autre choix que de renoncer au vaccin, à l’instar des immunodéprimés, notamment à travers le port du masque en tout temps et les tests systématiques.» Lui aussi opposé à une éventuelle obligation, le ministre neuchâtelois de la Santé, Laurent Kurth, mise tout sur l’incitation. «L’introduction de tests obligatoires est du ressort de l’employeur», estime-t-il, jugeant la mesure difficile à surveiller pour l’administration cantonale.

Effets pervers d’une obligation

Qu’en pensent les principaux intéressés? Si l’Association suisse des infirmiers (ASI) «recommande fortement» la vaccination à ses membres, elle ne soutient pas pour autant l’introduction d’une obligation. «Notre profession est basée sur la science et le vaccin est efficace pour combattre la pandémie, souligne Roswitha Koch, responsable du développement des soins à l’ASI. Cela étant, la liberté individuelle et l’autonomie sont des valeurs cardinales dans notre pays, les professionnels de la santé n’ont pas à être traités différemment du reste de la population.»

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Roswitha Koch craint par-dessus tout les effets pervers d’une éventuelle contrainte: «Interdire aux personnes non vaccinées de travailler ou les licencier ne va pas améliorer la santé des patients. En revanche, cela risque de détériorer la situation des hôpitaux, qui manqueront de personnel.» Si elle confie avoir du mal à comprendre ce qui pousse certains à refuser le vaccin, elle plaide pour un dialogue. «Alors que la pression sur les soignants augmente, il faut prendre les gens au sérieux, discuter avec eux des conséquences de leur choix, qui reste très personnel.»

Combien de personnes sont concernées? Sur le terrain, les statistiques complètes de la vaccination manquent encore. A Soleure, le taux de soignants vaccinés avoisine les 80%, contre 56% aux Hôpitaux universitaires de Genève. Le Centre hospitalier universitaire vaudois, en revanche, ne dispose pas de chiffre précis.