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Reporters sans frontières

A la suite de la lecture de l’article « Quand une respectable fondation prend le relais de la CIA » et de l’encadré qui l’accompagnait, publiés dans notre numéro de juillet, Daniel Junqua, vice-président de l’association des Amis du Monde diplomatique et vice-président également de la section française de l’association Reporters sans frontières, nous écrit :

Reporters sans frontières (RSF) se trouve en première ligne pour dénoncer les agissements des autorités américaines, politiques, judiciaires, militaires à l’égard des médias et des journalistes en Irak, en Afghanistan et sur le sol même des Etats-Unis. L’organisation mène une campagne déterminée pour obtenir la libération de Sami Al-Haj, ce cameraman d’Al-Jazira détenu depuis plus de cinq ans à Guantánamo dans des conditions épouvantables. RSF dénonce aussi toutes les atteintes à la liberté d’expression et d’information commises par les forces d’occupation israéliennes en Palestine, sans pour autant fermer les yeux, évidemment, sur celles commises par les organisations palestiniennes.

Si RSF peut se permettre de ne rouler ni pour le Nord, ni pour le Sud, ni pour l’Est, ni pour l’Ouest, c’est parce que l’organisation s’autofinance largement, depuis plusieurs années, par la réalisation et la vente de ses publications. Que pèse, dans un budget 2006 de près de 4 millions d’euros, une subvention de 34 500 euros de la NED [National Endowment for Democracy], destinée au soutien à la liberté de la presse en Afrique ?

Je suis fier d’avoir participé directement et personnellement à la bataille menée par RSF pour soutenir le journal Oslobodjenje pendant le siège de Sarajevo, un siège qui dura 1 350 jours ! C’était le quotidien de référence de la Bosnie-Herzégovine, né dans la clandestinité, sous l’occupation nazie, et qui diffusait à soixante mille exemplaires. Il a été le symbole de la résistance à l’agression serbe. La rédaction a continué à travailler dans les caves de la tour qui abritait les locaux du journal, pratiquement rasée par les canons serbes et à cinquante mètres de la ligne de front. Le journal, réduit parfois à une simple feuille tirée à trois cents exemplaires et placardée en ville, a été l’âme de la résistance d’une population qui refusait la purification ethnique voulue par Belgrade. Quand je m’y suis rendu, je n’ai pas vu trace des millions de la NED dont parle cet article, mais j’ai rencontré des gens souffrant de la faim et qui accueillaient avec joie le courrier, les quelques médicaments et le petit matériel, photographique notamment, nécessaire à la poursuite de leur activité.

Mes engagements de longue date au Diplo puis aux Amis du Diplo, d’une part, à RSF, d’autre part, relèvent de la même volonté de participer au combat pour une information libre et pluraliste partout dans le monde.

De son côté, M. Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, nous prie de publier le droit de réponse suivant :

Reporters sans frontières a, en effet, reçu en 2006 de l’argent de la fondation américaine National Endowment for Democracy (NED). Nous ne nous en sommes jamais cachés et nos comptes sont disponibles sur Internet. Les 34 489 euros perçus représentaient exactement 0,92 % de notre budget et étaient destinés à aider des journalistes africains et leurs familles en difficulté. Dans ces conditions, laisser penser, comme le fait l’auteur de l’article, que notre action serait télécommandée par cette fondation n’est pas sérieux.

Les autres chiffres brandis par l’auteur pour mettre en doute le crédit de Reporters sans frontières sont faux. Non, le soutien de l’Etat français aux projets développés par l’organisation ne représentait pas, comme il le prétend, 11% de son budget en 2003, mais… 4,8 %. Les « subventions étatiques » qui correspondaient à cette tranche de 11% incluaient, en plus de l’Etat français, des fonds accordés par l’Unesco, l’Organisation internationale de la francophonie et l’OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe].

Reporters sans frontières recevrait de l’argent de « groupes financiers propriétaires de médias et d’entreprises d’armements » ? Non. En revanche, notre organisation bénéficie chaque année d’espaces offerts par des médias français. Nous les en remercions. C’est grâce à ces encarts que Reporters sans frontières peut vendre ses albums de photographies, lesquels ont constitué, en 2006, 55 % de ses ressources.

Concernant Oslobodjenje. Aurait-il fallu abandonner ce journal qualifié d’« inconnu » et qui tirait « à peine à trois cents exemplaires » ? C’est oublier que ce quotidien, symbole de la résistance à l’agression serbe, a été le seul à paraître pendant toute la durée du siège de Sarajevo. Bien sûr qu’il lui est alors arrivé de tirer à trois cents exemplaires, et sans doute moins. Et alors ? L’auteur ne dit pas que l’immeuble de la rédaction avait été détruit par les bombes et que les journalistes travaillaient dans un abri en sous-sol. Comme le papier manquait, ils allaient, au péril de leur vie, coller eux-mêmes des exemplaires du journal dans les rues. Oui, Reporters sans frontières les a aidés. Et nous en sommes fiers.

Concernant le Venezuela, l’auteur s’est-il donné la peine de lire le récent rapport de Reporters sans frontières sur Radio Caracas Televisión (RCTV) ? On peut en douter, car ce document ne ménage pas RCTV. Il rappelle, d’emblée, que la chaîne a soutenu le coup d’Etat du 11 avril 2002. Seulement voilà, si tel était le véritable motif du non-renouvellement de la licence de la chaîne, d’autres télévisions privées, comme Venevisión, qui avaient eu la même attitude à l’époque, auraient dû subir le même sort. Il n’en a rien été. Venevisión a eu sa licence renouvelée. RCTV, non.

[Deux précisions : 1. Concernant l’OSCE, cette organisation est souvent critiquée par des organisations non gouvernementales et par plusieurs Etats pour son attitude partiale et son ingérence dans les affaires intérieures de certains pays de l’ex-URSS, allant jusqu’à la préparation idéologique, financière et logistique des agitations électorales couramment appelées « révolutions colorées ». 2. A propos de RCTV, il faut redire que cette chaîne – dont la licence d’émettre en ondes hertziennes n’a pas été, en effet, renouvelée – n’est pas interdite. Elle vient d’ailleurs de reprendre tout à fait légalement ses émissions via le câble (sur le canal 113 du bouquet Net Uno) et le satellite (sur le canal 103 de DirectTV). La télévision par câble et par satellite couvre 38 % des foyers du Venezuela, par définition les plus aisés.]

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